Table des matières

  La pitié

  I. Du mot au concept : usage du dictionnaire

(Maryse Emel)

Pitié définition CNRTLVoilà la première définition que le dictionnaire donne de la pitié :

Un mot a une histoire et il est employé dans un contexte. C'est d'ailleurs ce que fait le dictionnaire qui le définit par son emploi

Les synonymes et les antonymes

Qu'est-ce q'un synonyme? Chercher le sens de apitoiement, commisération, compassion, miséricorde. Ont-ils vraiment le même sens?

Accès, geste, mouvement, regard de pitié; avoir, prendre pitié de qqn; faire pitié (à voir);

Ce complément de définition fait apparaître le rôle du regard : qui dit regard dit comparaison, et apparition de l'amour-propre Le paradoxe de la pitié c'est qu'elle est cause de l'orgueil et des calculs de la raison.


Il y a deux évidences à propos de la pitié à mesurer

Pour cela l'étude de Rousseau porte en elle des éléments de réponse à ces questions

Première série de problèmes : la pitié s'adresse-t-elle à autrui?

Première définition La pitié comme sentiment : la pitié est un affect qui modère toute expression de soi contre autrui.

L'étymologie

Que permet de comprendre l'étymologie?

  II. Morale et pitié. Cicéron et Saint Augustin : deux figures opposées de la pitié

Du lat. pietas proprement «piété (envers les dieux, les parents)», «sentiment du devoir» (dér. de pius «pieux [sens sacré et profane]»), qui a évolué pour signifier dès l'époque impériale «clémence, sentiment de bonté miséricordieuse (de l'empereur)», d'où «sentiment de compassion» dans la lang. des Chrétiens et «bonté, charité». Fréq. abs. littér.: 6518. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 10749, b) 7628; xxes.: a) 10736, b) 8002. Bbg. Goug. Mots t.1 1962, pp.118-121.

Critique de la pitié par les stoïciens. Texte de Cicéron

On nous vante l'utilité de la pitié, de la jalousie. Au lieu d'avoir pitié d'un malheureux, que ne l'assistez-vous, si vous pouvez? A-t-on besoin d'être touché, pour être libéral? Votre devoir, quand vous voyez quelqu'un dans la peine, ce n'est pas de la partager avec lui; c'est de l'en délivrer, si vous pouvez. Que sert la jalousie ? A quoi bon se chagriner, ou de ce qu'un autre jouit d'un bien qui nous manque; ou de ce qu'il jouit d'un bien égal au nôtre? Pour celui qui nous manque, ne vaut-il pas mieux travailler à l'acquérir nous-mêmes, que de l'envier tristement? Pour celui qui nous est commun avec d'autres, il y a une extravagance outrée à être fâchés de n'en pas jouir nous seuls. Peut-on amener ce qui est mauvais à une médiocrité qui le rende bon? Quelque brèche que fassent dans notre cœur la volupté, la cupidité, la colère, la tristesse, la crainte, n'en disposeront-elles pas à leur gré? Un homme donc, qui sera voluptueux, avide, emporté, chagrin, pusillanime, vous le croirez un homme sage? Qu'on doit bien se faire une autre idée de la sagesse! Pour me renfermer dans ce peu de mots, je dirai qu'elle consiste à connaître les choses divines et les humaines, avec leurs causes, afin d'imiter la divinité, et de mettre bien au-dessous de la vertu tout ce qu'il y a d'humain. Voilà ce que fait le sage; et comment donc l'avez-vous soupçonné de pouvoir être le jouet des passions, ainsi que la mer l'est des vents? Qu'y aurait-il qui pût l'ébranler, le déranger? Un événement subit et imprévu? Mais, quand on connaît tout ce qui peut arriver à l'homme, n'est-on pas préparé à tout? Ceux qui disent qu'il faut retrancher ce qu'il y a d'excessif dans les passions, et en conserver ce qu'il y a de naturel, ne considèrent pas que la nature n'est l'auteur de rien qui puisse être poussé à l'excès. Aussi toutes les passions sont-elles des productions de l'erreur : et ce n'est pas assez de les élaguer ni de les étêter; il faut en arracher jusqu'à la racine

Saint Augustin

''Bien tard je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée ! Bien tard je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée ! Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors et c’est là que je te cherchais, et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais ! Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ; elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant, si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas !

Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ; tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ; j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ; tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix.

Quand j’aurai adhéré à toi de tout moi-même, nulle part il n’y aura pour moi douleur et labeur, et vivante sera ma vie toute pleine de toi. Mais maintenant, puisque tu allèges celui que tu remplis, n’étant pas rempli de toi je suis un poids pour moi. Il y a lutte entre mes joies dignes de larmes et les tristesses dignes de joie ; et de quel côté se tient la victoire, je ne sais. Il y a lutte entre mes tristesses mauvaises et les bonnes joies ; et de quel côté se tient la victoire, je ne sais.

Ah ! malheureux ! Seigneur, aie pitié de moi. Ah ! malheureux ! voici mes blessures, je ne les cache pas : tu es médecin, je suis malade ; tu es miséricorde, je suis misère.'' Les Confessions X

  III. Tragédie et pitié : rôle social de la pitié. La réfutation de Rousseau

La pitié n'est pas que morale.

  Tragédie et pitié

Le terme ˝pitié" se rattache à ̏ tragédie ̋

1/ Naissance de la tragédie, dans un contexte religieux.

Etymologie : tragos (bouc) + ôdè (poème chanté). Il s’agirait donc, au début, d’un dithyrambe déclamé en l’honneur de Dionysos à l’occasion du sacrifice du bouc, ou encore d’un bouc prix du concours dramatique. L’hypothèse est contestée de nos jours.

D'où vient le mot "hypocrite"?

Il n'y a pas de séparation entre le politique et le religieux. Ceci apparaît avec évidence dans les concours de tragédies.

2/ La dimension politique des tragédies.

Le mythe et la tragédie entretiennent et fondent l'unité politique de la Cité

3/au IV° siècle, les règles de la tragédie furent fixées par Aristote dans sa Poétique. En voici les principaux points.

L’action est menée à son terme. Les événements (épisodes) s’enchaînent selon une nécessité qui correspond au déroulement de la fatalité (la Machine infernale, selon Cocteau) jusqu’à la catastrophe finale. Catastrophe qu’il ne faut pas prendre au sens apocalyptique du mot, comme on entend l’adjectif “catastrophique”, mais comme le dénouement de la crise, au sens où le langage populaire dit : “C’était fatal !”

“La tragédie est donc l’imitation d’une action noble, conduite jusqu’à sa fin et ayant une certaine étendue […] C’est une imitation faite par des personnages en action et non par le moyen d’une narration et qui, par l ‘entremise de la pitié et de la terreur, accomplit la purgation des émotions de ce genre.”

  Pitié et Piété romaine

Le héros Énée (pius Aeneas) de Virgile incarne cette vertu, notamment quand il se sauve de Troie en portant son père sur son dos (Enéide, livre II). La pietas est, avec la uirtus, la clementia et la iustitia, l'une des quatre vertus impériales que reconnaît à Auguste l'inscription du bouclier d'or (clupeus aureus) placé en son honneur dans la Curia Iulia :Extrait du chant VIII de l'Enéide de Virgile

Près des rivages de Sicile, s'élève Lipari, l'une des Éoliennes, île escarpée, aux rochers fumants. Sous ces rochers, une caverne est creusée pour les fournaises des Cyclopes. Comme l'Etna, ces antres tonnent : ils retentissent sans cesse du gémissement de l'enclume sous les coups des marteaux; les étincelles du fer brûlant volent et pétillent dans ces cavités, et le feu haletant rugit dans les fournaises. C'est la demeure de Vulcain, et cette terre se nomme Vulcanie. Là, du haut Olympe, descend le dieu du feu. Dans cette vaste caverne, les Cyclopes Brontès, Stérope, Pyracmon, les membres nus, assouplissent le fer. Entre leurs mains était un de ces foudres que du sommet des cieux souvent le père du dieu lance sur la terre; une partie était achevée, et l'autre encore informe : ils avaient uni trois rayons de grêle entrelacés, trois rayons de nuages pluvieux, et trois d'un feu brillant et de vents à l'aile rapide. Alors ils joignaient à leur ouvrage le bruit horrible, l'épouvante, et le courroux des feux vengeurs. D'autres Cyclopes se hâtaient de forger pour Mars le char d'airain aux roues rapides, dont le bruit éclatant excite les guerriers et les cités. D'autres polissaient à l'envi, sur l'horrible égide de Pallas (arme de sa fureur), les serpents écaillés d'or, et les couleuvres qui, sur la poitrine de la déesse, entrelacent leurs replis, et la tête tranchée de la Gorgone, portant la mort dans ses regards.« Éloignez-vous, dit Vulcain , emportez ces oeuvres inachevées. Cyclopes, fils de l'Etna, un autre travail exige votre ardeur. Que des armes soient forgées pour un héros terrible! Maintenant toutes vos forces, maintenant vos mains diligentes, maintenant toute la dextérité de votre art. Hâtez-vous, point de retard. » Il n'en dit pas plus; et soudain tous se précipitent. Le Sort leur distribue un égal labeur; des ruisseaux d'airain et d'or coulent. Le fer meurtrier, dans la vaste fournaise se liquéfie. Ils forment un immense bouclier, qui seul s'opposera à toutes les flèches des Latins. Sur son orbe, sept orbes s'étendent. Des Cyclopes, dans d'énormes soufflets, attirent et refoulent l'air : d'autres trempent dans l'eau l'airain frémissant. Des coups redoublés sur l'enclume l'antre gémit. Ceux-ci , réunissant leurs efforts, avec une peine infinie lèvent leurs bras qui retombent en cadence , et de la tenaille mordante ils retournent la masse embrasée[...]Cependant Vénus, la blanche déesse, entre les nuages de l'éther apportant ses dons, est descendue; elle aperçoit son fils, qui dans le vallon solitaire s'était retiré, non loin de la fraîcheur du fleuve; elle se découvre à sa vue, et lui parle en ces mots« Voilà les dons promis, et achevés par l'art de mon époux; désormais n'hésite plus, mon fils, à provoquer au combat ni les superbes Laurentins, ni l'ardent Turnus. » A ces mots Cythérée donne un baiser a son fils, et dépose sous un chêne ses armes resplendissantes.Énée, joyeux de l'honneur d'un semblable présent, ne peut se rassasier de le contempler et de le parcourir de ses avides regards : il admire, tourne dans ses mains, pose sur ses bras ce casque à la terrible aigrette, vomissant des flammes; cette épée foudroyante, cette cuirasse d'un impénétrable airain, teinte de sang, vaste, semblable à une nuée d'azur qui, embrasée des rayons du soleil, au loin les réfléchit. Il admire ses brillants cuissards, où l'argent pur se mêle à l'or flexible, et la lance, et surtout le bouclier, dont le travail est inénarrable.N'ignorant ni les oracles ni les événements des âges futurs, le dieu du feu avait empreint sur ce bouclier les destins de l'Italie et les triomphes des Romains. Là paraissait toute la lignée future descendue d'Ascagne, et la série de leurs guerres opiniâtres. Au fond de l'autre verdoyant de Mars, une louve, récemment mère, s'étendait; autour de ses mamelles deux enfants jumeaux se suspendaient en jouant, et sans effroi suçaient leur nourrice; elle, retournant la tête d'un et d'autre côté, les caressait, et de sa langue assouplissait leurs membres.Non loin on voit Rome, et les Sabines, enlevées contre le droit des peuples, dans une vaste enceinte au milieu des grands jeux du cirque. Tout à coup une guerre nouvelle s'élève entre les sujets de Romulus et le vieux Tatius et les sévères Sabins. Bientôt entre eux déposant les combats, les deux rois armés, devant l'autel de Jupiter, debout et la coupe à la main, cimentent leur alliance en immolant une laie. Non loin de là des chars attelés de quatre chevaux, et roulant en sens contraire, dispersent les membres de Métirus (Albain, que ne restais-tu fidèle à tes serments!). Tullus traînait à travers la forêt les entrailles de cet homme imposteur, et les buissons épars dégouttaient de son sang; ailleurs Porsenna ordonne aux Romains de recevoir Tarquin, qu'ils ont chassé , et par de nombreux. assiégeants il presse la ville , et les descendants d'Enée se précipitent au combat pour la liberté. Voyez ce roi s'indignant et menaçant à la fois; tandis que Coclès devant lui ose rompre le pont du Tibre, et qu'échappant à ses fers brisés Clélie nage à travers le fleuve! Au sommet du bouclier, Manlius, gardien de la roche Tarpéienne, debout devant le temple, défend le haut Capitole. Là d'un chaume récent se hérisse le palais de Romulus. Ici une oie aux ailes d'argent voltige sous les portiques dorés, elle signale les Gaulois devant les portes; ils étaient là, les Gaulois, à travers lés buissons; ils avançaient, surprenaient la citadelle, protégés par la faveur d'une nuit épaisse; leurs chevelures et leurs vêtements sont façonnés avec l'or, leurs saies sont rayées de lignes brillantes, et leur cou blanc comme le lait est ceint d'un collier d'or. Chacun de ces guerriers brandit dans ses mains deux javelots des Alpes, et de longs boucliers couvrent tout leur corps.

  Etude de la pitié et de l'amour de soi dans le Second Discours de Rousseau

La pitié est disposition et vertu

la pitié, disposition convenable à des êtres aussi faibles, et sujets à autant de maux que nous le sommes; vertu d'autant plus universelle et d'autant plus utile à l'homme qu'elle précède en lui l'usage de toute réflexion (...)

Second Discours Pitié et amour de soi

Je ne crois pas avoir aucune contradiction à craindre, en accordant à l'homme la seule vertu Naturelle, qu'ait été forcé de reconnaître le Détracteur le plus outré des vertus humaines. Je parle de la pitié, disposition convenable à des êtres aussi faibles, et sujets à autant de maux que nous le sommes; vertu d'autant plus universelle et d'autant plus utile à l'homme qu'elle précède en lui l'usage de toute réflexion (...) Il est donc bien certain que la pitié est un sentiment naturel qui, modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation de toute l'espèce. C'est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir: c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de Lois, de mœurs, et de vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de désobéir à sa douce voix: c'est elle qui détournera tout sauvage robuste d'enlever à un faible enfant, ou à un vieillard infirme, sa subsistance acquise avec peine, si lui-même espère pouvoir trouver la sienne ailleurs: c'est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée; fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle bien moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente. Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible. C'est en un mot dans ce sentiment naturel, plutôt que dans des arguments subtils, qu'il faut chercher la cause de la répugnance que tout homme éprouverait à mal faire, même indépendamment des maximes de l'éducation. Quoi qu'il puisse appartenir à Socrate, et aux Esprits de sa trempe, d'acquérir de la vertu par raison, il y a longtemps que le genre humain ne serait plus, si sa conservation n'eut dépendu que des raisonnements de ceux qui le composent.

  Commencer par dissiper un malentendu

"...il y a longtemps que le genre humain ne serait plus, si sa conservation n'eut dépendu que des raisonnements de ceux qui le composent."

  film : extrait du Chagrin et la Pitié

(:daily x61k2i:) site proposant des ressources autour du film

  La pitié chez Saint Augustin

Les Confessions
« En Dieu seul, le repos de mon âme Où donc t'ai-je trouvé, Seigneur, pour apprendre à te connaître ? Avant que je te connaisse, tu n'étais pas encore dans ma mémoire. Où donc t'ai-je trouvé, pour te connaître, si ce n'est en toi, au-dessus de moi ? Aucun espace dans tout cela : nous nous éloignons, nous nous approchons de toi, rien de cela n'est dans l'espace. C'est partout, ô Vérité, que tu sièges pour tous ceux qui viennent te consulter, et tu réponds en même temps à tous ceux qui te consultent sur des questions différentes. Tu réponds clairement, mais tous ne t'entendent pas clairement. Tous te consultent sur ce qu'ils veulent, mais ils n'entendent pas toujours la réponse qu'ils veulent. Le meilleur de tes serviteurs n'est pas celui qui se soucie de t'entendre dire ce qu'il veut ; c'est plutôt celui qui veut ce que tu lui dis. Je t'ai aimée bien tard, Beauté si ancienne et si nouvelle, je t'ai aimée bien tard ! Mais voilà : tu étais au-dedans de moi quand j'étais au-dehors, et c'est dehors que je te cherchais ; dans ma laideur, je me précipitais sur la grâce de tes créatures. Tu étais avec moi, et je n'étais pas avec toi. Elles me retenaient loin de toi, ces choses qui n'existeraient pas, si elles n'existaient en toi. Tu m'as appelé, tu as crié, tu as vaincu ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi, et tu as dissipé mon aveuglement ; tu as répandu ton parfum, je l'ai respiré et je soupire maintenant pour toi ; je t'ai goûtée, et j'ai faim et soif de toi ; tu m'as touché et je me suis enflammé pour obtenir la paix qui est en toi. Lorsque je te serai uni par tout moi-même, il n'y aura plus pour moi de douleur ni de fatigue. Ma vie, toute pleine de toi, sera vivante. Celui que tu combles, tu l'allèges, car lorsque je ne suis pas comblé par toi, je me suis à charge à moi-même. Mes joies, dont je devrais pleurer, sont encore en lutte avec mes tristesses, dont je devrais me réjouir. De quel côté apparaîtra la victoire, je l'ignore.Malheureux que je suis ! Seigneur, prends pitié de moi. Hélas ! Tu vois : je ne cache pas mes plaies ; tu es le médecin, je suis le malade ; tu es miséricordieux, je suis misérable.N'est-ce pas que la vie de l'homme sur la terre est une corvée ? Qui peut désirer des peines et des tracas ? Tu ordonnes de les supporter, non de les aimer. Personne n'aime ce qu'il supporte, bien qu'il aime à supporter. On a beau se réjouir de supporter, on préférerait n'avoir rien à supporter. Dans l'adversité, j'aspire au bonheur ; dans le bonheur, je redoute l'adversité. Entre ces deux extrêmes, y a-t-il un milieu, où la vie humaine ne soit pas une « corvée » ? Malheur aux prospérités du monde, oui, deux fois malheur, et parce qu'on y craint l'adversité, et parce que la joie s'y corrompt. Malheur aux adversités du monde, oui, deux et trois fois malheur ! Parce que l'on continue à désirer la prospérité, parce que l'adversité elle-même est pénible, et que la patience peut y faire naufrage ! N'est-ce pas que la vie de l'homme sur la terre est une corvée sans aucune interruption ? Et toute mon espérance n'est que dans ta grande miséricorde.

  La Compassion

la compassion est un mode affectif de communication intersubjective. Forme de sympathie, et donc de la relation à autrui, elle est ce qu'éprouve un sujet en présence de la souffrance d'un autre sujet, d'une souffrance qui non seulement ne laisse pas indifférent mais qui le fait souffrir à son tour.

  Qui est "le détracteur"?

lire le texte de Hobbes :

Le chagrin pour le malheur d'un autre est la PITIE, et elle vient de ce que nous imaginons qu'il peut nous arriver la même chose, et c'est pourquoi cette passion est aussi nommée COMPASSION, et, dans une expression moderne, un SENTIMENT-POUR-SES-SEMBLABLES. C'est pourquoi le meilleur homme a le moins de pitié pour un malheur qui résulte d'une grande méchanceté, et, pour le même malheur, ceux qui ont le moins de pitié sont ceux qui se croient à l'abri [d'un tel événement].
Qu’est ce qui est bon ? — Tout ce qui exalte en l’homme le sentiment de puissance, la volonté de puissance, la puissance elle-même. Qu’est-ce qui est mauvais ? — Tout ce qui a sa racine dans la faiblesse. Qu’est-ce que le bonheur ? — Le sentiment que la puissance grandit — qu’une résistance est surmontée. Non le contentement, mais encore de la puissance, non la paix avant tout, mais la guerre ; non la vertu, mais la valeur (vertu, dans le style de la Renaissance, virtù, vertu dépourvue de moraline). Périssent les faibles et les ratés : premier principe de notre amour des hommes. Et qu’on les aide encore à disparaître !Qu’est-ce qui est plus nuisible que n’importe quel vice ? — La pitié qu’éprouve l’action pour les déclassés et les faibles : — le christianisme

  L'amour de soi

L'analyse de la pitié dans le texte de Rousseau conduit à poser l'hypothèse de l'amour de soi, distinct de l'amour-propre.

(...)c'est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée; fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle bien moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente.A-t-il la même conception de l'utile que Hobbes? Qu'est-ce que cela nous apprend sur le mot "utile"?