Près des rivages de Sicile, s'élève Lipari, l'une des Éoliennes, île escarpée, aux rochers fumants. Sous ces rochers, une caverne est creusée pour les fournaises des Cyclopes. Comme l'Etna, ces antres tonnent: ils retentissent sans cesse du gémissement de l'enclume sous les coups des marteaux; les étincelles du fer brûlant volent et pétillent dans ces cavités, et le feu haletant rugit dans les fournaises. C'est la demeure de Vulcain, et cette terre se nomme Vulcanie. Là, du haut Olympe, descend le dieu du feu. Dans cette vaste caverne, les Cyclopes Brontès, Stérope, Pyracmon, les membres nus, assouplissent le fer. Entre leurs mains était un de ces foudres que du sommet des cieux souvent le père du dieu lance sur la terre; une partie était achevée, et l'autre encore informe: ils avaient uni trois rayons de grêle entrelacés, trois rayons de nuages pluvieux, et trois d'un feu brillant et de vents à l'aile rapide. Alors ils joignaient à leur ouvrage le bruit horrible, l'épouvante, et le courroux des feux vengeurs. D'autres Cyclopes se hâtaient de forger pour Mars le char d'airain aux roues rapides, dont le bruit éclatant excite les guerriers et les cités. D'autres polissaient à l'envi, sur l'horrible égide de Pallas (arme de sa fureur), les serpents écaillés d'or, et les couleuvres qui, sur la poitrine de la déesse, entrelacent leurs replis, et la tête tranchée de la Gorgone, portant la mort dans ses regards.« Éloignez-vous, dit Vulcain, emportez ces oeuvres inachevées. Cyclopes, fils de l'Etna, un autre travail exige votre ardeur. Que des armes soient forgées pour un héros terrible! Maintenant toutes vos forces, maintenant vos mains diligentes, maintenant toute la dextérité de votre art. Hâtez-vous, point de retard. » Il n'en dit pas plus; et soudain tous se précipitent. Le Sort leur distribue un égal labeur; des ruisseaux d'airain et d'or coulent. Le fer meurtrier, dans la vaste fournaise se liquéfie. Ils forment un immense bouclier, qui seul s'opposera à toutes les flèches des Latins. Sur son orbe, sept orbes s'étendent. Des Cyclopes, dans d'énormes soufflets, attirent et refoulent l'air: d'autres trempent dans l'eau l'airain frémissant. Des coups redoublés sur l'enclume l'antre gémit. Ceux-ci, réunissant leurs efforts, avec une peine infinie lèvent leurs bras qui retombent en cadence, et de la tenaille mordante ils retournent la masse embrasée[...]Cependant Vénus, la blanche déesse, entre les nuages de l'éther apportant ses dons, est descendue; elle aperçoit son fils, qui dans le vallon solitaire s'était retiré, non loin de la fraîcheur du fleuve; elle se découvre à sa vue, et lui parle en ces mots« Voilà les dons promis, et achevés par l'art de mon époux; désormais n'hésite plus, mon fils, à provoquer au combat ni les superbes Laurentins, ni l'ardent Turnus. » A ces mots Cythérée donne un baiser a son fils, et dépose sous un chêne ses armes resplendissantes.Énée, joyeux de l'honneur d'un semblable présent, ne peut se rassasier de le contempler et de le parcourir de ses avides regards: il admire, tourne dans ses mains, pose sur ses bras ce casque à la terrible aigrette, vomissant des flammes; cette épée foudroyante, cette cuirasse d'un impénétrable airain, teinte de sang, vaste, semblable à une nuée d'azur qui, embrasée des rayons du soleil, au loin les réfléchit. Il admire ses brillants cuissards, où l'argent pur se mêle à l'or flexible, et la lance, et surtout le bouclier, dont le travail est inénarrable.N'ignorant ni les oracles ni les événements des âges futurs, le dieu du feu avait empreint sur ce bouclier les destins de l'Italie et les triomphes des Romains. Là paraissait toute la lignée future descendue d'Ascagne, et la série de leurs guerres opiniâtres. Au fond de l'autre verdoyant de Mars, une louve, récemment mère, s'étendait; autour de ses mamelles deux enfants jumeaux se suspendaient en jouant, et sans effroi suçaient leur nourrice; elle, retournant la tête d'un et d'autre côté, les caressait, et de sa langue assouplissait leurs membres.Non loin on voit Rome, et les Sabines, enlevées contre le droit des peuples, dans une vaste enceinte au milieu des grands jeux du cirque. Tout à coup une guerre nouvelle s'élève entre les sujets de Romulus et le vieux Tatius et les sévères Sabins. Bientôt entre eux déposant les combats, les deux rois armés, devant l'autel de Jupiter, debout et la coupe à la main, cimentent leur alliance en immolant une laie. Non loin de là des chars attelés de quatre chevaux, et roulant en sens contraire, dispersent les membres de Métirus (Albain, que ne restais-tu fidèle à tes serments!). Tullus traînait à travers la forêt les entrailles de cet homme imposteur, et les buissons épars dégouttaient de son sang; ailleurs Porsenna ordonne aux Romains de recevoir Tarquin, qu'ils ont chassé, et par de nombreux. assiégeants il presse la ville, et les descendants d'Enée se précipitent au combat pour la liberté. Voyez ce roi s'indignant et menaçant à la fois; tandis que Coclès devant lui ose rompre le pont du Tibre, et qu'échappant à ses fers brisés Clélie nage à travers le fleuve! Au sommet du bouclier, Manlius, gardien de la roche Tarpéienne, debout devant le temple, défend le haut Capitole. Là d'un chaume récent se hérisse le palais de Romulus. Ici une oie aux ailes d'argent voltige sous les portiques dorés, elle signale les Gaulois devant les portes; ils étaient là, les Gaulois, à travers lés buissons; ils avançaient, surprenaient la citadelle, protégés par la faveur d'une nuit épaisse; leurs chevelures et leurs vêtements sont façonnés avec l'or, leurs saies sont rayées de lignes brillantes, et leur cou blanc comme le lait est ceint d'un collier d'or. Chacun de ces guerriers brandit dans ses mains deux javelots des Alpes, et de longs boucliers couvrent tout
Virgile
Extrait du chant VIII de l'Enéide