Regardez-y de près et vous verrez que le mot liberté est un mot vide de sens; qu’il n’y a point, et qu’il ne peut y avoir d’êtres libres; que nous ne sommes que ce qui convient à l’ordre général, à l’organisation, à l’éducation, et à la chaîne des événements. Voilà ce qui dispose de nous invinciblement. On ne conçoit non plus (1) qu’un être agisse sans motif, qu’un des bras d’une balance agisse sans l’action d’un poids; et le motif nous est toujours extérieur, étranger, attaché ou par une nature ou par une cause quelconque, qui n’est pas nous. Ce qui nous trompe, c’est la prodigieuse variété de nos actions, jointe à l’habitude que nous avons prise tout en naissant de confondre le volontaire avec le libre. Nous avons tant loué, tant repris, nous l’avons été tant de fois, que c’est un préjugé bien vieux que celui de croire que nous et les autres voulons, agissons librement. Mais s’il n’y a point de liberté, il n’y a point d’action qui mérite la louange ou le blâme. Il n’y a ni vice ni vertu, rien dont il faille récompenser ou châtier. DIDEROT, Lettres à Landois (1) « non plus »: pas davantage.
Diderot