Ce qui est décisif, c’est que la loi, bien qu’elle délimite un espace où les hommes ont renoncé à la violence entre eux, recèle en elle, du fait de sa formation comme par sa nature même, quelque chose de violent. Elle résulte de la fabrication et non de l’action; le législateur ressemble à l’urbaniste et à l’architecte, et non à l’homme d’Etat ou au citoyen. La loi, en produisant l’espace du politique, contient cet élément de violation et de violence caractéristique de toute production. En tant qu’artifice, elle s’oppose à ce qui s’est développé naturellement et qui pour être n’a nécessité aucune assistance, ni divine ni humaine. (...) Face à l’homme qui lui est soumis, une telle violence s’exprime dans le fait que les lois commandent, qu’elles règnent en maîtresses absolues dans la polis [1] où aucun homme n’a le droit de commander ses égaux. Les lois sont ainsi le père et le despote tout à la fois.
[1] « la polis »: la cité.
Arendt (Hannah)
Qu’est-ce que la politique?