Jadis on commençait la mécanique - science rationnelle- en étudiant 1a trajectoire d'un point matériel, qui était une pure abstraction. Aujourd'hui il se trouve qu'on connaît physiquement un électron, je veux dire qu'on cohère des expériences assez nombreuses et diverses par la notion d’électron. Mais il faut toujours, pour connaître ou reconnaître un électron, qu'on établisse des expériences définies, des expériences où l'électron est obligé de payer un droit de détection; où, par conséquent, il change de puissance phénoménologique. D’ailleurs, les preuves de son existence sont liées à des observations discontinues, en fonction d'un système de coïncidences discontinues. Dès lors, je dirais assez volontiers que la trajectoire d'un électron est un chapelet où le grain de chapelet concrétise une somme d'expériences. Y'a-t-il un fil dans ce chapelet? Question vaine, puisque nous ne connaissons que les grains. L'observation est d'ailleurs si perturbante que la tranquille trajectoire telle que la dépeignait notre intuition ne peut guère correspondre à une réalité expérimentée. Enfin l’expérimentation implique des discontinuités qui marquent tout: et la réalité et le temps et l'espace. On peut donc entrevoir la nécessité de poser une réalité rythmique, sans cesse recommencée.
Bachelard
La continuité et la multiplicité temporelles