Maryse Emel esquisse
Le bon sens est la chose la mieux partagée car chacun pense en être si bien pourvu, que même ceux qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il n'est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et de distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tout homme ; et qu'ainsi la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien.
Descartes, Discours de la méthode, (1637)
A ce moment mécanique de l’apprentissage de la langue, se relie, d’ailleurs, aussitôt, l’étude de la grammaire, dont la valeur ne peut pas être prisée assez haut, car elle conditionne le commencement de la culture logique[1] ; — c’est là un point que j’évoque encore pour finir, parce qu’il semble être presque tombé dans l’oubli. La grammaire a, en effet, pour contenu, les catégories, les productions et déterminations propres de l’entendement ; c’est donc en elle que l’on commence à apprendre l’entendement lui-même. Ces essentialités les plus spirituelles avec lesquelles, la première, elle nous familiarise, sont quelque chose dont on ne peut plus compréhensible pour la jeunesse, et il n’y a assurément rien de plus spirituel qui soit plus compréhensible qu’elles, car la force encore sans ampleur qui est propre à cet âge ne peut accueillir ce qui comporte une riche multiformité ; or, ces abstractions dont nous venons de parler sont ce qui est totalement simple. Elles sont, en quelque sorte, les lettres singulières et, à vrai dire, les voyelles du domaine spirituel, par lesquelles nous commençons, pour apprendre à l’épeler, puis à le lire. — Ensuite, la grammaire les expose aussi d’une manière appropriée à cet âge, en tant qu’elle enseigne à les différencier au moyen de marques auxiliaires extérieures[2] que la langue contient la plupart du temps elle-même ; de la même façon qu’il est mieux que chacun puisse différencier rouge et bleu sans pouvoir indiquer les définitions de ces couleurs selon l’hypothèse newtonienne ou une autre théorie, cette connaissance dont on vient de parler est, pour commencer, suffisante, et il est de la plus haute importance d’avoir été rendu[3] attentif à ces différences. Car, si les déterminations de l’entendement, puisque nous sommes des êtres d’entendement, sont en nous, et si nous les comprenons immédiatement, la première culture[4] consiste à les avoir[5], c’est à dire à avoir fait d’elles un objet de la conscience et à pouvoir les différencier par des marques.
G.W.F. Hegel, Discours du 29 Septembre 1809, in Textes pédagogiques, traduits et présentés par Bernard Bourgeois, 1990, Vrin, Paris, p. 85-86. Traduction légèrement remaniée.
[1] Logischen Bildung
[2] Âusserliche Hilfsmerkmal
[3] Gemacht : littéralement « fait », au sens de « fabriqué ».
[4] Bildung
[5] Haben
Le bon sens est la chose la mieux partagée car chacun pense en être si bien pourvu, que même ceux qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il n'est pas vraisemblable que tous se trompent ;
• Un coup de théâtre est un événement inattendu qui provoque un brusque revirement dans l'intrigue. Chez Molière, par exemple, cet événement est très souvent une reconnaissance qui vient rompre, d'un coup, le nœud dramatique et qui permet une réconciliation. Ainsi, à la fin de L'Avare, Marianne, qu'Harpagon veut épouser à la barbe de son fils, se révèle être la fille de son ami Anselme et la sœur de Valère, l'amoureux d'Élise, sa fille. • Le coup de théâtre peut être le fruit d'un deus ex machina, c'est-à-dire procéder d'une « intervention divine » (les dieux, dans le théâtre du Grec Euripide, descendent du ciel suspendus à une grue que l'on appelle une « machine »). Par extension métaphorique, l'expression désigne une intervention providentielle et totalement extérieure à l'intrigue. Dans le Tartuffe de Molière, par exemple, l'arrivée de l'exempt qui arrête Tartuffe sur l'ordre du Roi, au lieu d'arrêter le malheureux Orgon, peut être considéré comme un deus ex machina.
"On dit communément que le plus juste partage que nature nous ait fait de ses grâces, c'est celui du sens ; car il n'est aucun qui ne se contente de ce qu'elle lui en a distribué." Essais, L II,chap. 17.
CHAPITRE V Poétique Définition de la comédie; ses premiers progrès. - Comparaison de la tragédie et de l'épopée.
1. La comédie, nous l'avons dit déjà, est une imitation de ce qui est plus mauvais (que la réalité), et non pas en tout genre de vice, mais plutôt une imitation de ce qui est laid, dont une partie est le ridicule. En effet, le ridicule a pour cause une faute et une laideur non accompagnées de souffrance et non pernicieuses : par exemple, on rit tout d'abord à la vue d'un visage laid et déformé, sans que celui qui le porte en soutire.
Comment ces textes dialoguent-ils? Montrer que le dialogue n'est ni totale adhésion, ni totale opposition. Dans quel passage du texte refuse-t-il le consensus?
Etre contre, c'est aussi s'adosser. Expliquer
ainsi la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien.