L'idée d'universalité Pierre-Henri Tavoillot
Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société de gens de lettres Paris, Briasson, 1751-1780 [i. e. Paris / Genève, Panckoucke / Cramer, 1771-1780] – 35 vol. in-fol. – Réimpression à l’identique de l’édition originale BNF, Réserve des livres rares, Rés. g. Z. 577 (1-33) © Blbliothèque nationale de France
Cette œuvre collective – 72 000 articles rédigés par plus de 150 collaborateurs – accorde une place prépondérante à l’image : les 2 885 planches répondent au principe exposé par Diderot selon lequel un "coup d’œil sur l’objet ou sur sa représentation en dit plus qu’une page de discours". Une grande partie des dessins sont copiés de La Description des arts et métiers, collection née d’un projet colbertien, mais que l’Académie des sciences ne publiera qu’en 1761. Les arts "mécaniques", jusqu’alors largement ignorés, y figurent dans leur ensemble ; en effet, par sa vocation pédagogique, l’Encyclopédie s’oppose au secret des ateliers et bouleverse la hiérarchie traditionnelle des connaissances. Elle rejoint ainsi l’idéal philosophique de Diderot : répandre un savoir libre de tout préjugé et superstition pour engendrer liberté et bonheur.
Guiard des Moulins, Bible historiale Paris, début XV e siècle BNF, Manuscrits, Français 3 f. 3v © Blbliothèque nationale de France
Dans le Timée, Platon décrit la création du cosmos sous forme d'une mise en ordre harmonieuse d'un état initialement indifférencié avec l'idée que le processus de création doit être guidé par les principes supérieurs de la géométrie. Cette thèse s'illustre au Moyen Âge par un Dieu géomètre, muni d'un compas, qui ordonne la création : "Dieu a créé toutes choses selon le Nombre, le Poids, la Mesure" dit le Livre de la sagesse de Salomon (XI, 21) Au XVIIIe? siècle, à mesure que la science se construit, la notion de création sur le mode mathématique se précise : les modèles cosmogoniques, tel celui développé par Laplace dans son traité sur la Mécanique céleste (1798-1825), font l'économie d'un créateur.
Voyages de Gulliver Paris : J. Guérin, 1727. Illustration de «L’île flottante» BNF, Réserve des livres rares, Rés. Y2. 11734 © Blbliothèque nationale de France
Pour dénoncer l’Angleterre de son temps en échappant à la censure, Swift (1667-1745), doyen de St Patrick, ardent défenseur de l’Irlande, a recours à la satire. En transplantant son héros dans des mondes imaginaires inspirés de l’Antiquité, de Thomas More, Rabelais ou Cyrano de Bergerac, l’auteur peut tout s’autoriser. Mais, au-delà de la satire politique et sociale, les Voyages de Gulliver sont une réflexion sur la condition humaine. Lilliput et Brobdingnag ridiculisent l’homme politique et sa folie des grandeurs ; les Laputiens incarnent les dérives de la "science omnisciente" ; les Houyhnhnms nous montrent enfin qu’un être entièrement rationnel ne saurait être humain. Certains voient dans cette œuvre, publiée pour la première fois en 1726, celle d’un misanthrope condamnant sans appel la nature humaine viciée depuis le péché originel, d’autres celle d’un moraliste incitant l’homme à se réformer.
Scène familiale dans un intérieur Gravure au pointillé en couleurs, vers 1796 (43,8 x 51,5 cm) BNF, Estampes, Rés. AA-4 DEBUCOURT (Philibert-Louis) © Blbliothèque nationale de France
Cette gravure n’est pas datée, mais une autre épreuve, en noir, porte la date de 1796 et le nom PL De Bucourt au crayon, ainsi que le titre Oui, son arrivée fera notre bonheur. Cette planche montre la joie du foyer lors du retour paternel, l’épouse tenant son enfant comme un présent offert à son mari ; elle s’inscrit dans la lignée de la "révolution sentimentale" du siècle, qui valorise le couple et le bonheur familial.