§ 11. Il faut donc, je le répète, reconnaître d'abord dans l'être vivant l'existence d'une autorité pareille tout ensemble et à celle d'un maître et à celle d'un magistrat ; l'âme commande au corps comme un maître à son esclave ; et la raison, à l'instinct, comme un magistrat, comme un roi. Or, évidemment on ne saurait nier qu'il ne soit naturel et bon pour le corps d'obéir à l'âme ; et pour la partie sensible de notre être, d'obéir à la raison et à la partie intelligente. L'égalité ou le renversement du pouvoir entre ces divers éléments leur serait également funeste à tous. Les Politiques, I,2
Si on fait un schéma de l'analogie entre le corps et l'âme, cela donne :
(:pmgraphviz -- digraph { "corps obéit" -> "âme"; } :)
(:pmgraphviz -- digraph { "maître commande" -> "esclave"; } :)
Que se passe-t-il pour le maître et le magistrat? Quelles sont les limites de l'analogie? Si le contenu de l'analogie est faux que risque-t-il de se passer?
§ 20. On peut donc évidemment soulever cette discussion avec quelque raison, et soutenir qu'il y a des esclaves et des hommes libres par le fait de la nature ; on peut soutenir que cette distinction subsiste bien réellement toutes les fois qu'il est utile pour l'un de servir en esclave, pour l'autre de régner en maître; on peut soutenir enfin qu'elle est juste, et que chacun doit, suivant le voeu de la nature, exercer ou subir le pou-voir. Par suite, l'autorité du maître sur l'esclave est également juste et utile; ce qui n'empêche pas que l'abus de cette autorité ne puisse être funeste à tous deux. L'intérêt de la partie est celui du tout; l'intérêt du corps est celui de l'âme ; l'esclave est une partie du maître ; c'est comme une partie de son corps, vivante, bien que séparée. Aussi entre le maître et l'esclave, quand c'est la nature qui les a faits tous les deux, il existe un intérêt commun, une bienveillance réciproque ; il en est tout différemment quand c'est la loi et la force seule qui les ont faits l'un et l'autre. § 21. Ceci montre encore bien nettement que le pouvoir du maître et celui du magistrat sont très distincts, et que, malgré ce qu'on en a dit, toutes les autorités ne se confondent pas en une seule : l'une concerne des hommes libres, l'autre des esclaves par nature ; l'une, et c'est l'autorité domestique, appartient à un seul, car toute famille est régie par un seul chef ; l'autre, celle du magistrat, ne concerne que des hommes libres et égaux. § 22. On est maître, non point parce qu'on sait commander, mais parce qu'on a certaine nature ; on est esclave ou homme libre par des distinctions pareilles. Mais il serait possible de former les maîtres à la science qu'ils doivent pratiquer tout aussi bien que les esclaves ; et l'on a déjà professé une science des esclaves à Syracuse, où, pour de l'argent, on instruisait les enfants en esclavage de tous les détails du service domestique. On pourrait fort bien aussi étendre leurs connaissances et leur apprendre certains arts, comme celui de préparer les mets, ou tout autre du même genre, puisque tels services sont plus estimés ou plus nécessaires que tels autres, et que, selon le proverbe : « Il y a esclave et esclave, il y a maître et maître ».