exercice de Maryse Emel
Ambiguïté du mot "critique"
Les exercices qui suivent montrent qu'il ne suffit pas d'argumenter
Analyse du mot
L'état critique, difficilement décidable est l'occasion de développer des arguments pas toujours rationnels.
Gorgias de Platon | exemple : le malade, le médecin et le rhéteur |
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"Gorgias – ah, si au moins tu savais tout, Socrate, et en particulier que la rhétorique, laquelle contient, pour ainsi dire, toutes les capacités humaines, les maintient toutes sous son contrôle ! je vais t’en donner une preuve frappante. Voici. Je suis allé, souvent déjà, avec mon frère, et d’autres médecins, visiter des malades qui ne consentaient ni à boire leur remède, ni à se laisser saigner ou cautériser par le médecin. Et là où ce médecin était impuissant à les convaincre, moi, je parvenais, sans autre art que la rhétorique, à les convaincre. Venons-en à la Cité. Suppose qu’un orateur et qu’un médecin se rendent dans la cité que tu voudras, et qu’il faille organiser, à l’assemblée (…), une confrontation entre le médecin et l’orateur pour savoir lequel des deux on doit choisir comme médecin. Eh bien j’affirme que le médecin aurait l’air de n’être rien du tout, et que l’homme qui sait parler serait choisi s’il le voulait. (…) Car il n’y a rien dont l’orateur ne puisse parler, en public, avec une plus grande force de persuasion que celle de n’importe quel spécialiste. Ah, si grande est la puissance de cet art rhétorique ! (…)"
Exercice : Répondre aux questions
A partir de cet exercice définir "l'esprit critique"
Etude du Texte de La Fontaine : de la naïveté à la bêtise
L'huître et les plaideurs |
La Fontaine
Pourquoi peut-on dire que les plaideurs manquent d'esprit critique? En quoi sont-ils atteints par la bêtise?
Un syllogisme est un raisonnement qui tire une conclusion de deux prémisses (des propositions posées initialement et dont on suppose la vérité) en associant deux à deux trois termes différents. L'un des terme, appelé moyen terme, est commun aux deux prémisses et sert à établir un lien entre les deux autres termes. Ce lien est affirmé dans la conclusion.
Exemple:
Les exercices qui suivent montrent qu'il ne suffit pas d'argumenter pour avoir l'esprit critique
Récapitulons |
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il y a un paradoxe : si l'état critique est indécidable, la critique est étymologiquement le moment du jugement, de la décision (krinein en grec c'est le passage au crible, la séparation du bon grain de l'ivraie) Expliquer le paradoxe.
Il faut exercer son esprit critique
Descartes et Kant expliquent que l'esprit critique ne relève pas d'un enseignement mais doit être exercé. Il n'est pas facile de passer du général au particulier.
Le bon sens n'est pas ce que l'on croit
Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont poiutume d'en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il n'est pas vraisemblable que tous se trompent: mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et disnt cotinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent et qui s'en éloignent.Descartes Discours de la méthode
On pense par soi_même en pensant avec autrui, ce qui ne signifie pas comme autrui. Penser contre, c'est aussi penser avec.
l'esprit critique c'est...
Les maximes suivantes du sens commun n'appartiennent certes pas à ce dont il s'agit ici en tant qu'elles seraient des parties de la critique du goût, mais elles peuvent toutefois servir à l'explicitation des principes d'une telle critique. Ce sont les maximes suivantes : 1. Penser par soi-même ; 2. Penser en se mettant à la place de tout autre ; 3. Toujours penser en accord avec soi-même. La première est la maxime du mode de pensée qui est libre de préjugés, la seconde celle de la pensée élargie, la troisième celle de la pensée conséquente.
l'esprit critique c'est ...
1. La première est la maxime d'une raison qui n'est pas passive. La tendance à la passivité, par conséquent à l'hétéronomie de la raison, c'est là ce qu'on appelle le préjugé ; et le plus grand de tous les préjugés consiste à se représenter la nature comme n'étant pas soumise à des règles que l'entendement, à travers sa propre loi essentielle, lui donne pour fondement : ce qui n'est autre que la superstition. La libération de la superstition correspond à ce qu'on appelle les Lumières; car, bien que cette dénomination convienne aussi à la libération de préjugés en général, c'est la superstition qui mérite au premier chef (in sensu eminenti) d'être appelée un préjugé, dans la mesure où l'aveuglement en lequel la superstition nous plonge — et même : l'aveuglement qu'elle impose comme une obligation — fait ressortir d'une manière remarquable le besoin d'être guidé par d'autres, par conséquent l'état d'une raison passive.
comprendre le texte: exercice. Cliquer |
Qu'est-ce que signifie communément "penser par soi-même?"
l'esprit critique c'est ...
En ce qui concerne la deuxième maxime de cette manière de penser, nous sommes bien accoutumés à appeler par ailleurs « étroit d'esprit » (borné, au sens du contraire d'élargi) celui dont les talents ne suffisent pas à un usage d'une certaine ampleur (notamment, à un usage intensif). Simplement n'est-il pas question ici du pouvoir de la connaissance, mais de la manière de penser qui consiste à faire de la pensée un usage conforme à sa fin ; et c'est cette manière de penser qui, si restreint selon l'extension et le degré que soit ce dont l'homme se trouve doué naturellement, témoigne cependant que l'on a affaire à un être dont la pensée est élargie — savoir sa capacité à s'élever au-dessus des conditions subjectives et particulières du jugement, à l'intérieur desquelles tant d'autres sont comme enfermés, et à réfléchir sur son propre jugement à partir d'un point de vue universel (qu'il ne peut déterminer que dans la mesure où il se place du point de vue d'autrui).
Quelle distinction opère Kant entre connaître et penser?Faire l'exercice. Cliquer |
La troisième maxime, celle de la manière de penser conséquente, est celle à laquelle il est le plus difficile d'accéder, et on ne peut même y parvenir qu'en associant les deux premières maximes et après les avoir suivies assez souvent pour que leur pratique soit devenue une habitude. On peut dire que la première de ces maximes est la maxime de l'entendement, la seconde celle de la faculté de juger, la troisième celle de la raison. Kant Critique de la faculté de juger, 1790, Paragraphe 40 - Du goût comme une sorte de sensus communis. Extrait de Ibid. Éditions Aubier (GF) © 1995, Traduction d'Alain Renaut, pages 279-280.
Les limites de l'esprit critique
Dans ce qui suit il s'agit de comprendre que la réflexion critique en introduisant une opposition entre deux thèses risque de figer la pensée. C'est l'exemple d'Antigone qui montre cette dualité tragique de l'esprit critique. En outre, l'esprit critique en devenant un moyen, technicise la pensée, c'est-à-dire la soumet à une modalité technicienne. Il peut devenir un instrument au service de sa propre contemplation. Si je dis "avoir l'esprit critique", j'en fais un moyen. Il est extérieur, ce n'est qu'un outil dont je me sers.
Plus la société devient totalitaire, plus l’esprit y est réifié(1) et plus paradoxale sa tentative de s’arracher à la réification de ses propres forces. Même la conscience la plus radicale du désastre risque de dégénérer en bavardage. La critique de la culture se voit confrontée au dernier degré de la dialectique entre culture et barbarie : écrire un poème après Auschwitz est barbare, et ce fait affecte même la connaissance qui explique pourquoi il est devenu impossible d’écrire aujourd’hui des poèmes. L’esprit critique n’est pas en mesure de tenir tête à la réification absolue, laquelle présupposait, comme l’un de ses éléments, le progrès de l’esprit qu’elle s’apprête aujourd’hui à faire disparaître, tant qu’il s’enferme dans une contemplation qui se suffit à elle-même. (Prismes, p. 26) (1) réifié : transformé en chose, sans vie
Nous ne sommes que multiplicités de perceptions
C'est ce qu'explique Hume dans ce passage
« Il y a des philosophes qui s'imaginent que nous avons à tout instant la conscience intime de ce que nous appelons notre moi¹; que nous sentons son existence et sa persévérance dans l'existence, et que nous sommes certains par une évidence au-dessus de toute démonstration, à la fois de son identité et de sa simplicité. [...]
Pour moi, quand je pénètre au plus intime de ce que j'appelle moi-même, c'est toujours pour tomber sur une perception particulière ou sur une autre: une perception de chaud ou de froid, de lumière ou d'obscurité, d'amour ou de haine, de peine ou de plaisir.
Je ne puis jamais arriver à me saisir moi-même sans une perception, et jamais je ne puis observer autre chose que la perception. [...]
Hume
Traité de la nature humaine
A cette vision du processus par lequel l’Esprit réalise son but dans l’histoire, s’oppose l’idée qu’on se fait communément de la nature de l’Idéal et de ses rapports avec le réel. Rien n’est plus fréquent aujourd’hui que d’entendre des plaintes au sujet des idéaux - et il s’agit toujours d’idéaux posés par l’imagination ou par la raison - qui n’arrivent pas à s’incarner dans la réalité. On déplore notamment que les idéaux de la jeunesse dégénèrent en rêveries au contact de la froide réalité. Mais ces idéaux qui, durant la traversée de la vie, se brisent sur l’écueil de la dure réalité, ne sont peut-être que purement subjectifs. Peut-être n’existent-ils qu’au regard de tel ou tel individu qui s’est pris pour ce qu’il y a de plus haut et de plus intelligent. En tout cas, ils ne nous regardent pas ici. Car ce que l’individu s’imagine dans son individualité ne peut faire loi pour l’universelle réalité, de même que la loi universelle ne s’adresse pas exclusivement aux simples individus lesquels pourraient fort bien ne pas trop y trouver leur compte. L’individu se fait souvent des idées sur lui-même, les grands desseins et les actes grandioses qu’il veut accomplir, l’importance de sa personne et sa contribution au salut de ce monde. Mais ces idées ne mènent pas loin. Les rêves que l’individu peut faire à son propre sujet ne donnent qu’une idée exagérée de sa propre valeur. Pourtant il est fort possible que l’individu subisse une injustice - mais cela ne concerne pas l’histoire universelle et son progrès, dont les individus ne sont que les serviteurs, les instruments.
Parmi les idéaux, on compte aussi les idéaux de la raison, les idées du Bien, du Vrai, du Meilleur - idées qui, elles, méritent vraiment d’exiger leur satisfaction. A voir cette exigence rester inassouvie, on éprouve le sentiment d’une injustice objective, et des poètes comme Schiller ont exprimé d’une manière émouvante la tristesse qui en découle. Si nous disons en revanche que la Raison universelle se réalise dans le monde, nous ne nous référons certainement pas à tel ou tel individu empirique: celui-ci peut se trouver plus ou moins bien ou mal du fait que, dans ce domaine, les hasards et la particularité ont reçu du Concept le pouvoir d’exercer leur droit formidable. Lorsqu’on voit les faits particuliers, on peut se dire qu’il y a bien des choses injustes dans le monde. Il y aurait donc beaucoup à redire en ce qui concerne les aspects individuels du monde phénoménal. Mais il ne s’agit pas ici des particularités empiriques: elles sont sujettes au hasard et ne nous concernent point. En outre, rien n’est plus facile que de critiquer et de croire qu’en critiquant on fait preuve de bonne volonté, de meilleure connaissance des choses. La critique subjective qui ne vise que le particulier et ses défauts, sans y reconnaître la Raison universelle, est chose facile; elle autorise toutes les fanfaronnades de l’exhibitionnisme, dans la mesure où elle donne, avec les airs de la générosité, l’assurance de la dévotion au bien général. Lorsqu’on considère les individus, les États, l’ordre du monde, il est plus facile de voir leurs défauts que de reconnaître leur vrai contenu. En critiquant négativement, on se donne des airs distingués et on survole dédaigneusement la chose sans y avoir pénétré, c’est-à-dire sans l’avoir saisie elle-même, sans avoir saisi ce qu’il y a de positif en elle. Certes, la critique peut être fondée, mais il est plus facile de découvrir les défauts que de trouver la substance: la manière dont on critique les œuvres d’art en est un exemple. Les hommes croient souvent qu’ils en ont fini avec telle chose dès qu’ils en ont trouvé le véritable défaut. Ils ont certes raison, mais ils ont également tort parce qu’ils en méconnaissent l’aspect positif. C’est la marque de la plus grande superficialité que de trouver en toute chose du mal et ne rien voir du bien positif qui s’y trouve. L’âge rend en général plus clément; la jeunesse est toujours mécontente: c’est qu’avec l’âge le jugement mûrit, et s’il accepte le mal, ce n’est pas par désintéressement, mais parce qu’il a été instruit par le sérieux de la vie et a appris à se diriger vers le fond substantiel et solide des choses. Ce n’est pas là accommodement bon marché, mais une justice.
Hegel
La raison dans l'histoire
Il faut se méfier des évidences. L'esprit critique a ses limites, même si on ne cesse de l'encenser. C'est le mirage de la conscience et de la volonté qui lui est associée.
À vous de faire la synthèse de cet "esprit de salon" pour rédiger, par exemple, un article de l’Encyclopédie, une lettre à un ami résidant hors de France à la manière des Lettres persanes de Montesquieu, ou bien une fiche de survie à l’usage du néophyte structurée en dix points clés.
Imaginez… Diderot, grâce à une machine à explorer le temps, découvre en avant-première les nouveaux moyens de communication et en particulier l’Internet. Rédigez la lettre qu’il aurait pu écrire à d’Alembert en plaçant son projet dans la perspective des possibilités techniques.
Cette tradition de réflexion littéraire et politique s’approchant à l’occasion d’une forme de "contre-pouvoir" a-t-elle perduré au fil des siècles ?