Maryse Emel
(ce qui inclut plus globalement une distinction avec la technique)
Art | artisan | artiste | instinct | institution | paysage | jardin | Beaux Arts | technicien |
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Bilan : résumer par écrit ce que ces exemples nous apprennent à propos de l'art.
[Ressource n°2660 de nature non encore affichable]
1. Duccio di Buoninsegna Vierge à l'enfant ( Church of Saint Lorenzo and Ippolito Castelfiorentino
2. Raphaël, La vierge au chardonneret
Analyse du tableau de Henri Matisse : Le violoniste à la fenêtre
« Je trace d'abord sur la surface à peindre un quadrilatere de la grandeur que je veux, et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l'histoire (historia) » Alberti Della Pittura I
Dans les compositions d’histoires, un Peintre doit s’étudier à faire paroître son génie par l’abondance et la variété de ses inventions, et fuir la répétition d’une même chose qu’il ait déjà faite, afin que la nouveauté et l’abondance attirent et donnent du plaisir à ceux qui considèrent son ouvrage. J’estime donc que dans une histoire il est nécessaire quelquefois, selon le sujet, d’y mêler des hommes, différens dans l’air, dans l’âge, dans les habits, agroupés ensemble pêle-mêle avec des femmes et des enfans, des chiens, des chevaux, des bâtimens, des campagnes et des collines, et qu’on puisse remarquer la qualité et la bonne grâce d’un Prince ou d’une personne de qualité, et la distinguer d’avec le peuple. Il ne faudra pas aussi mêler dans un même groupe ceux qui sont tristes et mélancoliques avec ceux qui sont gais et qui rient volontiers, parce que les humeurs enjouées cherchent toujours ceux qui aiment à rire, comme les autres cherchent aussi leurs semblables. Léonard de Vinci Traité élémentaire de la peinture Deterville, Libraire, 1803 (nouv. éd. revue, corrigée et augmentée de la Vie de l’Auteur) (p. 82). CHAPITRE XCVII. De la variété nécessaire dans les histoires.
Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n'est pas d'objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu'une fenêtre éclairée d'une chandelle. Ce qu'on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie. Par-delà des vagues de toits, j'aperçois une femme mûre, ridée déjà , pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j'ai refait l'histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant. Si c'eût été un pauvre vieux homme, j'aurais refait la sienne tout aussi aisément. Et je me couche, fier d'avoir vécu et souffert dans d'autres que moi-même.Peut-être me direz-vous: "Es-tu sûr que cette légende soit la vraie?" Qu'importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m'a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ? SPLEEN DE PARIS LES FENETRES XXXV Baudelaire
La nouvelle définition de la peinture qui s'élabore à la Renaissance fera coexister des plans de signification divers, au départ hétérogènes, cette coexistence entraînant parfois certaines contradictions. Loin d'être la marque d'une inconséquence logique, celles-ci témoignent en fait de la difficulté rencontrée par les premiers théoriciens de l'art pour fondre les deux sens de mimêsis dans une théorie parfaitement unifiée. La définition du tableau comme « fenêtre ouverte », qu'on trouve au Livre I du Della Pittura d' Alberti, est à cet égard exemplaire, notamment en raison des contresens qu'elle n'a cessé de susciter. Chez Alberti, cette fenêtre encadre une représentation narrative; elle n'ouvre pas sur la nature mais sur l' histoire : « Je trace d'abord sur la surface à peindre un quadrilatère de la grandeur que je veux, et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l'histoire (historia) » (ibid., I, trad. fr. J.-L. Scheffer, Macula, 1992, p. 115; dans la version italienne de son traité, Alberti emploie le mot storia qui, comme historia, correspond au muthos d' Aristote Mais cette définition s'accorde avec celle que l'on rencontre à d'autres endroits du texte où la représentation picturale est caractérisée par sa fonction monstrative, c'est-à -dire sa fonction d' image : « En effet, puisque la peinture s'efforce de représenter (repraesentare) les choses visibles, notons de quelle façon les choses se présentent à la vue » (ibid., II, p. 145). D'où le fait qu'on a pu interpréter cette analogie avec la fenêtre en un sens totalement étranger à la pensée albertienne, comme une fenêtre ouvrant sur du visible, telles cesvedute qu'on rencontre dans maints tableaux de la Renaissance. On retrouve la même ambivalence chez Poussin, un siècle plus tard. Dans l'une de ses dernières lettres, il définit la peinture comme « une imitation faite avec lignes et couleurs en quelque superficie de tout ce qui se voit sous le soleil » (lettre à Fréart de Chambray, 2 mars 1665, in Correspondance de Nicolas Poussin, p. 462). Mais ailleurs, il écrit que « la peinture n'est rien d'autre que l'imitation des actions humaines », cette seconde définition de l' imitation, conforme à l'idée aristotélicienne de mimêsis poétique, étant en fait la traduction d'une phrase du Tasse que Poussin se contente de recopier en remplaçant le mot poésie par celui de peinture.
Jacqueline Lichtenstein
Ambroglio Lorenzetti 'Allégorie du Bon Gouvernement' 1337-1340 (construire des questions autour de la notion d'imitation)
Picasso : Nu au Fauteuil rouge
Ingres : Madame Moitessier assise
Si on regarde bien la Pyramide en la situant dans son contexte :
La critique de Diderot . La distanciation de l'acteur.
exemple : le théâtre de Brecht
(…) Mais quoi? dira-t-on, ces accents si plaintifs, si douloureux, que cette mère arrache du fond de ses entrailles, et dont les miennes sont si violemment secouées, ce n’est pas le sentiment actuel qui les produit, ce n’est pas le désespoir qui les inspire? Nullement; et la preuve, c’est qu’ils sont mesurés; qu’ils font partie d’un système de déclamation; que plus bas ou plus aigus d’une vingtième partie d’un quart de ton, ils sont faux; qu’ils sont soumis à une loi d’unité; qu’ils sont, comme dans l’harmonie, préparés et sauvés: qu’ils ne satisfont à toutes les conditions requises que par une longue étude; que pour être poussés juste, ils ont été répétés cent fois, et que, malgré ces fréquentes répétitions, on les manque encore; c’est qu’avant de dire:
- "Zaïre, vous pleurez !"
ou,
- "Vous y serez, ma fille",
l’acteur s’est longtemps écouté lui-même; c’est qu’il s’écoute au moment où il vous trouble, et que tout son talent consiste non pas à sentir, comme vous le supposez, mais à rendre si scrupuleusement les signes extérieurs du sentiment que vous vous y trompez. Les cris de sa douleur sont notés dans son oreille. Les gestes de son désespoir sont de mémoire, et ont été préparés devant une glace. Il sait le moment précis où il tirera son mouchoir et où les larmes couleront; attendez-les à ce mot, à cette syllabe, ni plus tôt ni plus tard. Ce tremblement de la voix, ces mots suspendus, ces sons étouffés ou traînés, ce frémissement des membres, ce vacillement des genoux, ces évanouissements, ces fureurs, pure imitation, leçon recordée d’avance, grimace pathétique, singerie sublime dont l’acteur garde le souvenir longtemps après l’avoir étudiée, dont il avait la conscience présente au moment où il l’exécutait, qui lui laisse, heureusement pour le poète, pour le spectateur et pour lui, toute liberté de son esprit, et qui ne lui ôte, ainsi que les autres exercices, que la force du corps. Le socque ou le cothurne déposé, sa voix est éteinte, il éprouve une extrême fatigue, il va changer de linge ou se coucher; mais il ne lui reste ni trouble, ni douleur, ni mélancolie, ni affaissement d’âme. C’est vous qui remportez toutes ces impressions. L’acteur est las, et vous tristes; c’est qu’il s’est démené sans rien sentir, et que vous avez senti sans vous démener. S’il en était autrement, la condition de comédien serait la plus malheureuse des conditions; mais il n’est pas le personnage, il le joue et le joue si bien que vous le prenez pour tel: l’illusion n’est que pour vous; il sait bien, lui, qu’il ne l’est pas.
Diderot
Paradoxe sur le comédien
La sauvagerie, force et puissance de l’homme dominé par les passions, (...) peut être adoucie par l’art, dans la mesure où celui-ci représente à l’homme les passions elles-mêmes, les instincts et, en général, l’homme tel qu’il est. Et en se bornant à dérouler le tableau des passions, l’art, alors même qu’il les flatte, le fait pour montrer à l’homme ce qu’il est, pour l’en rendre conscient. C’est déjà en cela que consiste son action adoucissante, car il met ainsi l’homme en présence de ses instincts, comme s’ils étaient en dehors de lui, et lui confère de ce fait une certaine liberté à leur égard. Sous ce rapport, on peut dire de l’art qu’il est un libérateur. Les passions perdent leur force, du fait même qu’elles sont devenues objets de représentations, objets tout court. L’objectivation des sentiments a justement pour effet de leur enlever leur intensité et de nous les rendre extérieurs, plus ou moins étrangers. Par son passage dans la représentation, le sentiment sort de l’état de concentration dans lequel il se trouvait en nous et s’offre à notre libre jugement. Il en est des passions comme de la douleur: le premier moyen que la nature met à notre disposition pour obtenir un soulagement d’une douleur qui nous accable, sont les larmes; pleurer, c’est déjà être consolé. Le soulagement s’accentue ensuite au cours de conversations avec des amis, et le besoin d’être soulagé et consolé peut nous pousser jusqu’à composer des poésies. C’est ainsi que dès qu’un homme qui se trouve plongé dans la douleur et absorbé par elle est à même d’extérioriser cette douleur, il s’en sent soulagé, et ce qui le soulage encore davantage, c’est son expression en paroles, en chants, en sons et en figures. Ce dernier moyen est encore plus efficace. HEGEL
Hegel
L'artiste ne tient pas, par son œuvre, à nous donner une idée de l'objet qu'il nous présente. Nous n'avons pas besoin de regarder ces tableaux pour savoir ce que c'est que les raisins, les fleurs, les cerfs, les arbres, les dunes, la mer, le soleil, le ciel, les ornements et les décors des ustensiles de la vie quotidienne, les chevaux, les guerriers, les paysans, nous savons également ce que c'est fumer, arracher des dents, et les scènes domestiques de tout genre et de toute nature nous sont on ne peut plus familières. Aussi bien n'est-ce pas le contenu réel de ces tableaux qui est fait pour nous charmer, mais l'apparence des objets, abstraction faite de leur usage et de leur destination réelle. Par la beauté, cette apparence se trouve fixée comme telle, et l'art consiste dans la maîtrise avec laquelle on sait représenter les mystères que recèlent les apparences des phénomènes extérieurs, considérées pour elles-mêmes. L'art consiste surtout à saisir les traits momentanés, fugitifs et changeants du monde et de sa vie particulière, pour les fixer et les rendre durables
Hegel